Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/123

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que je sers, plus puissant que vos dieux,
A ces nobles amants decillera les yeux.
Cependant soyez seur, qu’estant dans mon armée,
Cette haute vertu de mon ame estimée,
Ne demandera rien de ma protection,
Que mon cœur ne luy donne avec affection.
Cette belle amazone, à ces mots luy rend grace ;
L’amant en fait de mesme, et ce grand prince passe :
Et revoyant le camp de l’un à l’autre bout,
Ce heros immortel donne l’ordre par tout.
Mais pendant qu’Alaric songe à vaincre la terre,
Au cœur d’Amalasonthe il fait desja la guerre :
Et bien que le despit soustienne ce grand cœur,
Elle suit malgré soy, le char de ce vainqueur.
Elle veut n’aymer plus ; elle croit estre libre ;
Mais un moment apres elle revoit le Tibre :
Ses pleurs sur ses cheveux, sont des perles sur l’or,
Et ce cœur affligé sent bien qu’il ayme encor.
Rigilde d’autre part, tousjours plus en colere,
Veut adoucir son mal par le mal qu’il veut faire :
Et changeant les demons par ses magiques vers,
Il en fait des soldats de ces peuples divers.
Durant la sombre nuit, où les feux de l’armée,
A son obscurité meslent tant de fumée,
Le sorcier les disperse ; et l’on ne connoist pas,
Ces demons travestis parmy tous les soldats.
Aucun ne les discerne ; aucun ne les regarde ;
Et dans l’oysiveté des feux des corps-de-garde,