Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/145

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En ces mots il la quitte, et la belle affligée,
Par un si foible espoir, foiblement soulagée,
Entre en son cabinet, où la nuit et le jour,
Elle entretient sa haine, ou plutost son amour.
Cependant d’Alaric l’armée à plaines voiles,
Sous la faveur des flots, des vents, et des estoiles,
Cingloit heureusement, et ces hardis vaisseaux,
Du grand lac de Meler, laissoient bien loin les eaux.
Desja sur la main droite, où la flotte va toute,
Le port de Nicoping leur a marqué leur route :
Et l’isle de Gotlant, sejour delicieux,
Demeure sur la gauche, et se monstre à leurs yeux.
Par la faveur du vent, à leur adresse jointe,
Desja du cap d’Olant ils ont doublé la pointe ;
Descouvert Folsterbode, et sans perdre un moment,
Dans le destroit du Sund passé legerement.
Apres, sur la main gauche, en costoyant la terre,
Ils descouvrent Colding, peuple nay pour la guerre :
Et plus avant Arrhuys, qui parmy des rochers,
Mesle superbement ses murs et ses clochers.
Mais on voit moins de flots à l’entour des navires,
Qu’au cœur du conquerant on ne voit de martyres :
En vain son grand espoir tasche de le flatter ;
L’objet qu’il a quitté, ne le sçauroit quitter ;
Tousjours Amalasonthe occupe sa memoire ;
Il la voit, sans la voir, plus belle que la gloire ;
Preferant de bien loin, s’il consulte son cœur,
La qualité d’esclave à celle de vainqueur :
Et revoyant tousjours