Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/149

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Alors des noirs demons les forces inconnuës,
Enlevent Alaric envelopé de nuës :
Rigilde le soustient ; Rigilde le conduit ;
Et fait ce grand larcin dans l’ombre de la nuit.
Au-delà du destroit que forment les rivages,
S’eslevent les escueils de trois isles sauvages,
Où dans ces premiers temps, les fiers peuples du Nord,
N’avoient encor construit, ny cabanes, ny port.
Le sorcier de ces trois, prend la plus reculée ;
Cache entre ces rochers sa prise signalée ;
Y porte doucement l’invincible guerrier ;
Et luy met un anneau qui fait tout oublier,
Excepté cét objet qui regne en sa memoire,
Dont il redouble encore, et l’esclat, et la gloire.
Apres, d’un art puissant, qui sçait tromper les yeux,
Il forme un tres-beau lieu de ces arides lieux :****
Tout y paroist riant ; tout y paroist fertile :
Et de broüillards espais environnant cette isle ;
Et de flots en colere enfermant ces rochers ;
Il en oste la veuë, et l’abord aux nochers.
Alors pour voir l’effet de ce qu’il se propose,
Il attend le resveil du heros qui repose :
Il se cache, il s’esloigne, il se met à l’escart :
Et redoublant encor le pouvoir de son art,
Il se rend invisible, et son ame irritée,
Attend l’evenement de cette isle enchantée.
A peine du soleil la premiere clarté,
Paroist sur le sommet de l’escueil escarté,