Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/161

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Il tient une quenoüille, et sa main triomphante,
A quitté pour la prendre une masse pesante,
Qu’on voit avec son arc en un coin du tableau,
Et cette brave main piroüette un fuseau.
L’ouvrage l’embarrasse ; il en est hors d’haleine ;
Lors qu’il portoit le ciel, il avoit moins de peine ;
Et le combat de l’Hydre, ou du fleuve Achelois,
Lassa bien moins ses bras qu’il ne lasse ses doigts.
Il ne sçait ni tenir, ni tourner la fusée :
Il trouve difficile une besogne aysée :
Il rompt tout ce qu’il file, et ce heros douteux,
En paroist tout ensemble, en colere et honteux.
Il craint, luy que tout craint, qu’Omphale ne se fache :
Et ne pouvant finir cette penible tache,
Il cherche dans ses yeux s’il pourra la quitter,
Mais il file en cherchant de peur de l’irriter.
Or pendant qu’il s’efforce à tordre cette laine,
On voit bien que le rire eschape à cette reine :
Mais elle dit pourtant, d’un air imperieux,
Qu’il sera chastié s’il ne travaille mieux.
Derriere ce heros, qui semble qui soupire,
Trois filles de la reyne en esclatent de rire :
L’une le contre-fait ; l’autre le monstre au doigt ;
Et l’autre se destourne à cause qu’il la voit.
Comme elles Alaric rit de cette avanture :
Et puis jettant les yeux sur une autre peinture,
Il conclud en son cœur d’un secret entretien,
Qu’il n’est rien de trop bas, pour quiconque ayme bien.