Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/276

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Elle met aux plus fiers la pasleur sur le teint :
Elle a vaincu le monde, et le monde la craint.
Allez, allez à Rome en deffendre les portes :
Où plutost en sortir avec mille cohortes :
Et deffendant des monts le rampart eternel,
Que l’aigle fonde enfin sur ce grand criminel.
Avec ces mots hardis le faux Eutrope acheve :
Mais l’empereur s’abat plus qu’on ne le releve :
Ces discours genereux pour luy n’ont point d’apas :
Et ce cœur endormy ne s’en réveille pas.
Mon frere, respond-il, conçoit trop d’espouvante :
Car de quelque valeur qu’un vandale se vante,
L’esclave des Romains ne peut estre leur roy,
Et n’oseroit songer à s’attaquer à moy.
Ce bruit sans fondement n’est rien qu’une chimere :
Je n’en changeray point ma conduite ordinaire :
Vos discours ennuyeux sont icy superflus :
Allez, retirez-vous, et ne m’en parlez plus.
A ces mots sans raison, le demon se retire ;
Disparoist et s’envole au siege de l’empire :
Où se changeant encore en un vieux senateur,
Il monte au Capitole avec ce front menteur.
O Romains (y dit-il avec de feintes larmes)
Je vous voy sans raison en vous voyant sans armes :
Et pourquoy ne voit-on ces armes en vos mains,
O Romains sans raison, si vous estes Romains ?
Les Goths, les Goths cruels, viennent pour nostre perte :
Desja d’un camp nombreux la Tamise est couverte :