Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/278

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Et par ce grand exemple, eslevant nos esprits,
Prenons pour triompher le chemin qu’ils ont pris.
Couvrons de nos boucliers, couvrons de nos espées,
Les cendres des Cezars, les cendres des Pompées ;
Leurs tombeaux ; leurs autels, tant de siecles gardez ;
Et deffendons ces murs que Romule a fondez.
Mais sans parler des morts dans ces perils extrêmes,
Deffendons nos enfans, nos femmes, et nous mesmes :
Deffendons la patrie avec nos fortes mains :
Et vivons, et vivons, ou mourons en Romains.
A ces mots le demon, pour entrer dans leur ame,
Fait glisser dans leur corps une subtile flâme :
Tasche de desmesler dans leurs timides cœurs,
Quelque goutte du sang de ces premiers vainqueurs :
La réchauffe ; l’allume ; et l’ayant allumée,
Mesle à ce noble feu l’infernale fumée ;
Adjouste la furie au desir de l’honneur ;
Et tout est agité par l’adroit suborneur.
Tout paroist genereux ; tout paroist en colere ;
La honte du passé les resoud à mieux faire ;
L’invincible Brutus semble ressuscité ;
Et l’on entend crier, liberté, liberté.
Aussi-tost Stylicon prenant douze cohortes,
Des hauts murs des Romains passe les larges portes :
Vers les Alpes s’avance, et dans ces rochers creux ;
Dans ces destours couverts ; et ces bois tenebreux ;
Il cache ses soldats, et tout remply d’audace,
Il attend qu’Alaric, et le camp des Goths passe.