Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/328

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Je viens vous demander, ou la mort, ou la vie.
Profane (me dit-elle, en parlant assez bas)
Qui jusqu’en ce lieu saint osez porter vos pas,
Craignez, craignez du ciel la foudre toute preste :
Et sauvez en fuyant vostre coupable teste.
Le ciel qui voit mon cœur, luy dis-je en soûpirant,
Sçait qu’avec innocence il va vous adorant :
Voyez-le comme luy, ce cœur vous en conjure :
Car ses desirs sont purs comme sa flâme est pure :
Et l’innocence mesme avecques sa pudeur,
Ne sçauroit condamner une si chaste ardeur.
Allez, allez, dit-elle, amant trop temeraire :
Sous l’habit d’un esclave on ne me sçauroit plaire :
Je suis du sang d’Horace ; et ma noble fierté,
Comme mes devanciers ayme la liberté.
Le sang des Scipions, beau sujet de mes peines,
Luy dis-je encor alors, est tout pur dans mes veines :
Mais pour voir ces beaux yeux qui causent mon trespas,
Je crois tout honnorable, et ne crois rien de bas.
Par un desguisement si difficile à croire,
Vous hazardez vos jours aussi bien que ma gloire,
Dit-elle, et si quelqu’un vous reconnoist icy,
Ces jours courent fortune, et mon honneur aussi.
Ha ! Luy dis-je, madame, empeschez l’un et l’autre,
En recevant mon cœur ; en me donnant le vostre ;
C’est un honneur trop grand ; mais mon affection,
N’est pas moins grande aussi que mon ambition.