Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/329

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Ayez quelque pitié du feu qui me devore ;
Ayez quelque pitié d’un cœur qui vous adore ;
Et si le vostre enfin ne peut estre enflâmé ;
S’il ne veut point aymer, qu’il souffre d’estre aymé.
Comme elle alloit respondre, une dame l’arreste :
Qui relevant un voile abaissé sur sa teste,
Fait voir que c’est Tiburse, et nous surprend tous deux,
Par ce desguisement, et grand, et hazardeux.
Madame, luy dit-il, Valere vous adore,
Mais il n’ayme pas seul, car je vous ayme encore :
Et devant que respondre à l’amant que je voy,
Puis que vous l’escoutez, de grace escoutez moy.
Mon ardeur pour le moins, est esgale à la sienne :
Et si des Scipions la gloire est ancienne,
La gloire des Catons, dont je suis descendu,
A par toute la terre un beau bruit espandu.
Mais s’il est mon esgal, quant à l’illustre race,
Mon ame pour l’amour de bien loin le surpasse :
Et de quelque grand feu que bruslent mes rivaux,
En cela seulement je n’ay jamais d’esgaux.
Ha ! Dit-elle, Tiburse est esgal à Valere,
Car il est trop hardy, comme il est temeraire :
Tous deux avez failly dans vos injustes feux :
Et pour vous en punir je vous quitte tous deux.
A ces mots nous quittant, elle sort de ce temple :
Tiburse me regarde, et moy je le contemple :
Et honteux l’un et l’autre, autant que furieux,
Une esgale colere esclate dans nos yeux :