Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/330

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Et dans nos yeux encore est une honte esgale,
Pour cette invention, inutile et fatale :
Indigne de nos rangs plus que de nos fureurs,
Si l’amour n’excusoit de semblables erreurs.
Quoy Valere, dit-il, luy que l’on croit si brave,
A-t-il comme l’habit, pris le cœur d’un esclave ?
Quoy Tiburse (luy dis-je, emporté de despit)
Est-il devenu femme en empruntant l’habit ?
Alors estans honteux de nous voir de la sorte,
Bien que nostre fureur fust esgalement forte,
Le monde qui survint, enfin nous separa,
Et je me retiray comme il se retira.
Depuis cela, seigneur, Probé sage et modeste,
Craignant de nostre ardeur quelque suite funeste,
Ne sortit presques plus ; mais cessant de la voir,
On nous laissa l’amour en nous ostant l’espoir :
Et lors que sa rigueur nous cacha son visage,
Nous eusmes dans l’esprit son adorable image :
Qui nous suivoit partout ; que nous voiyons partout ;
En endurant des maux qui n’avoient point de bout.
Mais la belle Probé, si fiere et rigoureuse,
Nous rendant malheureux ne fut pas plus heureuse :
Car quelque soin qu’on prist de la bien secourir,
Par un mal dangereux elle pensa mourir.
Durant ce triste temps nous estions à sa porte,
Avec une douleur aussi juste que forte :
Et le jour et la nuit les gents qui la servoient,
En entrant, en sortant, tousjours nous y trouvoient.