Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/391

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Elle peut pardonner à ce prince inconstant ;
Le haïr criminel, et l’aimer repentant.
Non, non, empeschons là de voir et d’estre veuë :
Cette amour nous perdroit, si l’absence nous tuë :
Et danger pour danger, et soucy pour soucy,
Il vaut mieux que je parte, et qu’elle reste icy.
Avec un tel dessein, il va voir cette belle :
Et cachant finement sa douleur si cruelle ;
Et cachant ses soubçons, pour n’estre pas suspect ;
Il couvre son chagrin, par un profond respect.
Madame (luy dit-il, en rompant son silence)
L’ordre que j’ay receu, demande que j’avance :
Et le siege de Rome estant fort important,
Me presse encore plus de partir à l’instant.
Ainsi pour obeïr à l’empereur mon maistre,
Dés que le premier jour commencera de naistre,
Les Grecs descamperont, et j’iray vous vanger,
De l’infidelle amant, qui vous a pû changer.
Demeurez cependant, sur cette belle rive :
Attendez en repos, que sa deffaite arrive :
Et croyez que ma main ne s’espargnera pas,
Pour le punir du tort qu’il fait à vos appas.
Sans accepter, dit-elle, une faveur extreme,
Mon esprit outragé se veut vanger luy-mesme :
Et luy mesme attaquant un prince ambitieux,
Espere que mon bras fera plus que mes yeux.
Amalasonthe enfin, seroit peu satisfaite,
Si son cœur offensé vous devoit sa deffaite :
Je vous deffends plutost