Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/400

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Ha madame, dit-il, quel crime ay-je commis,
Qui fait que je vous trouve entre mes ennemis ?
Il le faut demander, respond-elle en colere,
Il le faut demander à la belle insulaire :
Prince trop inconstant en vostre affection ;
Esclave des beautez de la fiere Albion.
Moy volage ! Dit-il, moy, madame, volage !
O ciel, ô juste ciel, qui lis dans mon courage,
Si j’ay manqué de foy, si j’ay manqué d’amour,
Osté moy la victoire, et le sceptre, et le jour.
Alors elle connoist sa douleur vehemente,
Car qui pourroit tromper les beaux yeux d’une amante ?
Sa fureur s’alentit, et son cœur plus humain,
Fait que le second traict luy tombe de la main.
Mais le jaloux Eutrope, observant cette belle,
Devine qu’Alaric s’entretient avec elle :
Sa colere en redouble, et cét amant jaloux,
Abandonnant son ame à ce nouveau courroux,
Marche, marche, dit-il, avance, donne, donne ;
Tout bransle à cét instant ; de leur choq l’air raisonne ;
Le fer brille par tout, d’un dangereux esclat ;
Et les deux camps meslez, commencent le combat.
Comme lors que la mer, d’un effort incroyable,
Pousse contre ses bords la tempeste effroyable,
Et les vents, et les flots, se choquent irritez,
Et font loin retentir leur bruit de tous costez.
De mesme en ce grand jour, où le destin balance,
Se heurtent ces deux camps, d’esgale violence :