Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/412

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L’on entend tout à coup, trompetes et clairons,
Retentir en sonnant, aux lieux des environs.
Mille bruits de tambours montent jusques aux nuës,
Et l’on oit esclater mille voix inconnuës :
Tout l’air en retentit, et ces sons, et ces cris,
Esbranslent aussi-tost les plus fermes esprits.
Par tout l’on oit crier, avance, donne, donne :
De ce bruit menaçant, plus d’un rocher raisonne :
L’on entend qu’il s’aproche, et les Goths estonnez
Pensent que d’ennemis ils sont environnez.
Tout s’imagine alors, par une crainte vaine,
Qu’enfin Honorius est sorty de Ravenne :
Et que le Grec en teste, et le Romain au dos,
Ravissent l’esperance, et la victoire aux Goths.
Tout s’estonne, tout bransle, et tout songe à la fuite ;
Tout perd le jugement, le cœur, et la conduite ;
Tout recule à l’instant, tout conçoit de l’effroy ;
Tout songe à se sauver ; et tout le dit au roy.
Mais ce prince intrepide, examinant la chose,
Condamne cette fuite, et la peur qui la cause :
Et pour les r’assurer, cét immortel heros,
S’arreste, les arreste, et leur tient ces propos.
D’où vient, mes compagnons, cette crainte frivole ?
Pour estre Honorius, il faut que son camp vole :
Et qu’en frapant du pied comme un autre Romain,
Il ait formé ce camp du jour au lendemain.
Non, ne nous trompons point, la chose est impossible :
Et quand ce le seroit, seroit-il invincible ?