Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/465

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Cependant le temps passe, et le nouveau printemps,
Revoit encore aux mains tous ces fiers combatans :
Et l’astre des saisons recommençant l’année,
Voit triompher la mort dans la ville obstinée.
Mais la belle Probé, dans ce commun malheur,
De la compassion passant à la douleur ;
Et de cette douleur à l’adresse subtile ;
Veut essayer de perdre, et de sauver la ville.
Elle va donc trouver Valere son amant :
Et d’un ton à la fois pitoyable et charmant,
Vous voyez, luy dit-elle, ô deffenseur de Rome,
Que son triste salut est au-dessus de l’homme :
Que le peuple romain, du ciel abandonné,
Court à son precipice en aveugle obstiné :
Que le secours des Grecs est sans nulle aparence,
Et que Rome est sans pain, comme sans esperance :
Qu’elle s’en va perir ; et qu’un sejour si beau,
Et qu’un lieu si fameux n’est plus qu’un grand tombeau.
Laissez-vous donc toucher à l’excés de ses peines :
Et puis que le ciel veut que nous portions des chaisnes,
Et que les Goths par luy couvrent les champs latins,
Cedons, cedons Valere à nos mauvais destins.
Je sçay que c’est ce soir que vos foibles cohortes,
Veilleront aux ramparts, et garderont nos portes :
Perdez-nous, sauvez-nous, l’un et l’autre est permis :
Et livrez une porte à nos fiers ennemis.
Alaric genereux conservera sa gloire :
Il sçaura bien user d’une illustre victoire :