Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/66

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Quoy, je voy le danger, et mon cœur n’y court pas !
Ha ! S’il ne le fait point, il est foible ; il est bas.
Amalasonthe est sage ; Amalasonthe est belle ;
Mais il la faut quitter, pour estre digne d’elle :
L’amour, comme le ciel, veut que j’en use ainsi ;
Tout le dit ; tout le veut ; et je le veux aussi ».
Là son cœur s’affermit, comme il s’y determine :
Il suit aveuglement l’ordonnance divine :
Il la suit avec joye, et sans plus murmurer ;
Mais il ne la suit pas pourtant sans soûpirer.
Comme on voit quelquesfois, qu’apres un grand orage,
La mer paroist tranquile, et fait cesser sa rage ;
Mais non pas tellement, que l’œil des matelots,
Ne reconnoisse encor quelque fureur aux flots :
Tel paroist d’Alaric, l’incertaine pensée :
Et l’on y voit encor la tempeste passée :
Il partira sans doute, il fera son devoir ;
Mais partir sans douleur, n’est pas en son pouvoir.
A travers l’allegresse, on voit encor ses traces :
Ainsi que son bonheur, il prevoit ses disgraces :
Il sent qu’il est amant, voulant estre vainqueur,
Et l’honneur, et l’amour, tyrannisent son cœur.
Cependant, sans tarder, ce prince magnanime,
Resolu d’achever son dessein legitime,
Assemble le senat, afin que ses sujets
Puissent estre informez de ses hardis projets.
Comme il est assemblé dans sa superbe sale,
Où le grand amiral, et le prelat d’Upsale,