Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/74

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compte ses ennemis,
Est indigne de vaincre, et doit estre soûmis.
Mais on craint la revolte en l’absence du maistre :
Mais c’est luy faire outrage, et c’est mal le connoistre :
Car bien que son estat ne le puisse plus voir,
Le bruit de ses exploits tiendra tout en devoir.
Non, non, la renommée aura tousjours des aisles :
Tout prince conquerant, ne voit point de rebelles :
Et les succès heureux de ses hardis projets,
Redoublent le respect au cœur de ses sujets.
L’on nous propose en suite une conqueste aisée ;
Mais par là mesprisable, et par nous mesprisée :
Et sans borner si pres nos beaux et grands exploits,
En domptant l’univers, nous vaincrons les Danois.
O prince genereux, que cherit la victoire,
Allons, allons à Rome, où vous attend la gloire :
Car si je connois bien ce qui vous semble doux,
Les lauriers des Cezars sont seuls dignes de vous. »
Entre ces trois advis, le senat se partage :
Jusques-là tout dispute, et nul n’a l’avantage :
La chose est en balence, et la grande action,
Se trouve contestée avec esmotion.
Chacun à ses raisons, et chacun les croit bonnes :
L’un y voit des dangers, et l’autre des couronnes :
L’un blasme ce dessein, et l’autre le deffend :
Tous ont de la chaleur, et pas-un ne se rend.
Mais enfin Alaric fait pancher la balence :
Il se leve, et sa voix leur imposant silence,