Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/76

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Elle se prend au ciel de la rigueur du roy ;
Elle s’en prend à tout ; elle s’en prend à soy.
Son ame ingenieuse à redoubler ses peines,
Redoute les Romains, et les beautez Romaines :
Elle craint qu’Alaric ne soit vaincu deux fois,
Et que Mars et l’amour ne luy donnent des loix.
Elle craint (et sa crainte à beaucoup d’aparence)
L’inconstance des flots, et sa propre inconstance :
Elle craint pour sa vie, et plus pour son amour,
Et l’un et l’autre soin la travaille à son tour ;
Et l’un et l’autre soin la tourmentent ensemble ;
Enfin elle soûpire ; elle pleint ; elle tremble ;
Et souffrant les efforts de plus d’une rigueur,
L’amour et le despit luy deschirent le cœur.
Mais comme Amalasonthe est une beauté fiere,
Alaric n’entendra, ni soûpir, ni priere :
Du moins dans le malheur qui cause son soucy,
Ce cœur imperieux se l’imagine ainsi.
L’exemple de Didon luy desplaist, et la blesse :
Selon son sentiment, elle eut trop de foiblesse :
Et le mauvais succès des pleintes qu’elle fit,
Dans sa noble fierté confirme son esprit.
Elle veut qu’Alaric soit plus constant qu’Enée ;
Elle veut à son gré regler sa destinée ;
Et que ce grand captif rentre dans son devoir,
Non par de lasches pleurs, mais par son seul pouvoir.
Ce prince d’autre part, songeant à cette belle,
Brule de la revoir, et n’ose aprocher d’elle :