Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/236

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Je ferme ma parenthèse et veux vous raconter maintenant l’histoire du fameux Tchatka. Elle est bien connue dans le pays où les scènes que je vais décrire ont eu lieu. Je la tiens de deux sources des plus respectables : l’une est M. Denig, agent de la Compagnie de Pelleteries de Saint-Louis, homme d’une probité et d’une véracité éprouvées  ; et l’autre est un digne interprète canadien. Ils ont résidé tous les deux, pendant un grand nombre d’années, au milieu des tribus assiniboines  ; ils ont connu le héros dont il s’agit et ont été les témoins oculaires d’un grand nombre de ses faits et gestes.

Ce triste héros Tchatka ou le Gaucher exerça, pendant sa longue carrière, plus de pouvoir sur la tribu qu’il gouvernait qu’aucun autre chef sauvage dont j’ai pu apprendre l’histoire. Il avait reçu plusieurs surnoms  ; mais celui de Gaucher lui est resté parmi les voyageurs[1] et les marchands de pelleteries. Ses autres surnoms étaient Wah-Kon-Tangka, ou le Grand incompréhensible, Mina-Yougha, ou Celui qui tient le couteau, et Tatokah-nan, ou le Cabri. Il les a reçus à différentes époques de sa vie, à l’occasion de quelque action par laquelle il s’était distingué.

La famille de Tchatka était très-nombreuse et exerçait une grande influence. Divers membres avaient choisi Tchatka pour leur chef ou conduc-

  1. Je me sers du mot voyageurs, terme canadien adopté par les Anglais, pour désigner les chasseurs blancs du désert, race d’hommes toute particulière.