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Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/109

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DE LA SOCIÉTÉ

plaire ; la sévérité des mœurs et la tranquillité de l’âme concentrent, en Autriche, les affections au sein de sa famille. On n’y va point par ambition, car tout se passe avec tant de régularité dans ce pays, que l’intrigue y a peu de prise, et ce n’est pas d’ailleurs au milieu de la société qu’elle pourroit trouver à s’exercer. Ces visites et ces cercles sont imaginés pour que tous fassent la même chose à la même heure ; on préfère ainsi l’ennui qu’on partage avec ses semblables à l’amusement qu’on seroit forcé de se créer chez soi.

Les grandes assemblées, les grands dîners ont aussi lieu dans d’autres villes ; mais comme on y rencontre d’ordinaire tous les individus remarquables du pays où l’on est, il y a plus de moyens d’échapper à ces formules de conversation, qui, dans de semblables réunions, succèdent aux révérences, et les continuent en paroles. La société ne sert point en Autriche, comme en France, à développer l’esprit ni à l’animer ; elle ne laisse dans la tête que du bruit et du vide : aussi les hommes les plus spirituels du pays ont-ils soin, pour la plupart, de s’en éloigner ; les femmes seules y paroissent, et l’on est étonné de l’esprit qu’elles ont, malgré le genre de vie qu’elles mè-