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DE L’ESPRIT DE CONVERSATION

esprits, tout ce travail de la pensée dans ses rapports avec les hommes seroit certainement utile, à beaucoup d’égards, aux Allemands, en leur donnant plus de mesure, de finesse et d’habileté ; mais dans ce talent de causer il y a une sorte d’adresse qui fait perdre toujours quelque chose à l’inflexibilité de la morale : si l’on pouvoit se passer de tout ce qui tient à l’art de ménager les hommes, le caractère en auroit sûrement plus de grandeur et d’énergie.

Les Français sont les plus habiles diplomates de l’Europe, et ces hommes qu’on accuse d’indiscrétion et d’impertinence savent mieux que personne cacher un secret et captiver ceux dont ils ont besoin. Ils ne déplaisent jamais que quand ils le veulent, c’est-à-dire quand leur vanité croit trouver mieux son compte dans le dédain que dans l’obligeance. L’esprit de conversation a singulièrement développé dans les Français l’esprit plus sérieux des négociations politiques. Il n’est point d’ambassadeur étranger qui pût lutter contre eux en ce genre, à moins que, mettant absolument de côté toute prétention à la finesse, il n’allât droit en affaires comme celui qui se battroit sans savoir l’escrime.

Les rapports des différentes classes entre elles