Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
LA SAXE

étudier en Allemagne est vraiment une chose admirable : quinze heures par jour de solitude et de travail, pendant des années entières, paroissent une manière d’exister toute naturelle ; l’ennui même de la société fait aimer la vie retirée.

La liberté de la presse la plus illimitée existoit en Saxe ; mais elle n’avoit aucun danger pour le gouvernement, parce que l’esprit des hommes de lettres ne se tournoit pas vers l’examen des institutions politiques : la solitude porte à se livrer aux spéculations abstraites ou à la poésie ; il faut vivre dans le foyer des passions humaines pour sentir le besoin de s’en servir et de les diriger. Les écrivains allemands ne s’occupoient que de théories, d’érudition, de recherches littéraires et philosophiques ; et les puissants de ce monde n’ont rien à craindre de tout cela. D’ailleurs, quoique le gouvernement de la Saxe ne fût pas libre de droit, c’est-à-dire représentatif, il l’étoit de fait par les habitudes du pays et la modération des princes.

La bonne foi des habitants étoit telle, qu’à Leipsick un propriétaire ayant mis sur un pommier qu’il avoit planté au bord de la promenade publique un écriteau pour demander qu’on ne