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DE LII’ALLEMAGNE

bres et stériles, il faut qu’il y règne des opinions, et des principes d’une grande sévérité. Dans ces contrées sablonneuses où la terre ne produit que des sapins et des bruyères, la force de l’homme consiste dans son âme ; et si vous lui ôtez ce qui fait la vie de cette âme, les sentiments religieux, il n’aura plus que du dégoût pour sa triste patrie.

Le penchant de Frédéric pour la guerre peut être excusé par de grands motifs politiques. Son royaume, tel qu’il le reçut de son père, ne pouvoit subsister ; et c’est presque pour le conserver qu’il l’agrandit. Il avoit deux millions et demi de sujets en arrivant au trône, il en laissa six à sa mort. Le besoin qu’il avoit de l’armée l’empêcha d’encourager dans la nation un esprit public dont l’énergie et l’unité fussent imposantes. Le gouvernement de Frédéric étoit fondé sur la force militaire et la justice civile : il les concilioit l’une et l’autre par sa sagesse ; mais il étoit difficile de mêler ensemble deux esprits d’une nature si opposée. Frédéric vouloit que ses soldats fussent des machines militaires, aveuglément soumises, et que ses sujets fussent des citoyens éclairés capables de patriotisme. Il n’établit point dans les villes de Prusse des autorités secondaires, des municipa-