Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 1, 1814.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DE L’ALLEMAGNE

double aspect, comme celle de Janus ; l’un militaire, et l’autre philosophe.

Un des plus grands torts de Frédéric fut de se prêter au partage de la Pologne. La Silésie avoit été acquise par les armes, la Pologne fut une conquête machiavélique, « et l’on ne pouvoit jamais espérer que des sujets ainsi dérobés fussent fidèles à l’escamoteur qui se disoit leur souverain[1]. » D’ailleurs les Allemands et les Esclavons ne sauroient s’unir entre eux par des liens indissolubles ; et quand une nation admet dans son sein pour sujets des étrangers ennemis, elle se fait presque autant de mal que quand elle les reçoit pour maîtres ; car il n’y a plus dans le corps politique cet ensemble qui personnifie l’État et constitue le patriotisme.

Ces observations sur la Prusse portent toutes sur les moyens qu’elle avoit de se maintenir et de se défendre ; car rien dans le gouvernement intérieur n’y nuisoit à l’indépendance et à la sécurité ; c’étoit l’un des pays de l’Europe où l’on honoroit le plus les lumières ; où la liberté de fait, si ce n’est de droit, étoit le plus scrupuleusement

  1. Supprimé par la censure.