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LA PRUSSE

respectée. Je n’ai pas rencontré dans toute la Prusse un seul individu qui se plaignît d’actes arbitraires dans le gouvernement, et cependant il n’y auroit pas eu le moindre danger à s’en plaindre ; mais quand dans un état social le bonheur lui-même n’est pour ainsi dire qu’un accident heureux, et qu’il n’est pas fondé sur des institutions durables qui garantissent à l’espèce humaine sa force et sa dignité, le patriotisme a peu de persévérance, et l’on abandonne facilement au hasard les avantages qu’on croit ne devoir qu’à lui. Frédéric II, l’un des plus beaux dons de ce hasard qui sembloit veiller sur la Prusse, avoit su se faire aimer sincèrement dans son pays, et depuis qu’il n’est plus on le chérit autant que pendant sa vie. Toutefois le sort de la Prusse n’a que trop appris ce que c’est que l’influence même d’un grand homme, alors que durant son règne il ne travaille point généreusement à se rendre inutile : la nation toute entière s’en reposoit sur son roi de son principe d’existence, et sembloit devoir finir avec lui.

Frédéric II auroit voulu que la littérature française fût la seule de ses états. Il ne faisoit aucun cas de la littérature allemande. Sans doute elle n’étoit pas de son temps à beaucoup près aussi