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GOETHE

et persifle, affirme et doute alternativement, et toujours avec le même succès.

J’ai dit que Goethe possédoit à lui seul les traits principaux du génie allemand, on les trouve tous en lui à un degré éminent : une grande profondeur d’idées, la grâce qui naît de l’imagination, grâce plus originale que celle formée par l’esprit de société ; enfin une sensibilité quelquefois fantastique, mais par cela même plus faite pour intéresser des lecteurs qui cherchent dans les livres de quoi varier leur destinée monotone, et veulent que la poésie leur tienne lieu d’événements véritables. Si Goethe étoit Français, on le feroit parler du matin au soir : tous les auteurs contemporains de Diderot alloient puiser des idées dans son entretien, et lui donnoient une jouissance habituelle par l’admiration qu’il inspiroit. En Allemagne on ne sait pas dépenser son talent dans la conversation, et si peu de gens, même parmi les plus distingués, ont l’habitude d’interroger et de répondre, que la société n’y compte pour presque rien ; mais l’influence de Goethe n’en est pas moins extraordinaire. Il y a une foule d’hommes en Allemagne qui croiroient trouver du génie dans l’adresse d’une lettre, si c’étoit lui qui l’avoit mise. L’admiration pour