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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

immédiatement après commencer la décadence, et les imitateurs succéder aux écrivains classiques, comme pour dégoûter d’eux.

Il y a en Allemagne un aussi grand nombre de poëtes qu’en Italie : la multitude des essais, dans quelque genre que ce soit, indique quel est le penchant naturel d’une nation. Quand l’amour de l’art y est universel, les esprits prennent d’eux-mêmes la direction de la poésie, comme ailleurs celle de la politique ou des intérêts mercantiles. Il y avoit chez les Grecs une foule de poëtes, et rien n’est plus favorable au génie que d’être environné d’un grand nombre d’hommes qui suivent la même carrière. Les artistes sont des juges indulgents pour les fautes, parce qu’ils connoissent les difficultés ; mais ce sont aussi des approbateurs exigeants ; il faut de grandes beautés, et des beautés nouvelles, pour égaler à leurs yeux les chefs-d’œuvre dont ils s’occupent sans cesse. Les Allemands improvisent pour ainsi dire en écrivant ; et cette grande facilité est le véritable signe du talent dans les beaux-arts ; car ils doivent, comme les fleurs du midi, naître sans culture ; le travail les perfectionne ; mais l’imagination est abondante, lorsqu’une généreuse nature en a fait don aux hommes. Il est impossible de citer tous les