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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

de charmes, la Bayadère. Un dieu de l’Inde (Mahadoeh) se revêt de la forme mortelle pour juger des peines et des plaisirs des hommes après les avoir éprouvés. Il voyage à travers l’Asie, observe les grands et le peuple ; et comme un soir, au sortir d’une ville, il se promenoit sur les bords du Gange, une bayadère l’arrête et l’engage à se reposer dans sa demeure. Il y a tant de poésie, une couleur si orientale dans la peinture des danses de cette bayadère, des parfums et des fleurs dont elle s’entoure, qu’on ne peut juger d’après nos mœurs un tableau qui leur est tout-à-fait étranger. Le dieu de l’Inde inspire un amour véritable à cette femme égarée, et touché du retour vers le bien qu’une affection sincère doit toujours inspirer, il veut épurer l’âme de la bayadère pour l’épreuve du malheur.

À son réveil elle trouve son amant mort à ses côtés. Les prêtres de Brama emportent le corps sans vie que le bûcher doit consumer. La bayadère veut s’y précipiter avec celui qu’elle aime ; mais les prêtres la repoussent, parce que, n’étant pas son épouse, elle n’a pas le droit de mourir avec lui. La bayadère, après avoir ressenti toutes les douleurs de l’amour et de la honte, se précipite dans le bûcher malgré les