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DES MŒURS DES ALLEMANDS

magne, les nobles des citoyens, rendoit nécessairement la nation entière moins belliqueuse.

L’imagination, qui est la qualité dominante de l’Allemagne artiste et littéraire, inspire la crainte du péril, si l’on ne combat pas ce mouvement naturel par l’ascendant de l’opinion et l’exaltation de l’honneur. En France, déjà même autrefois, le goût de la guerre étoit universel ; et les gens du peuple risquoient volontiers leur vie comme un moyen de l’agiter et d’en sentir moins le poids. C’est une grande question de savoir si les affections domestiques, l’habitude de la réflexion, la douceur même de l’âme, ne portent pas à redouter la mort ; mais si toute la force d’un État consiste dans son esprit militaire, il importe d’examiner quelles sont les causes qui ont affoibli cet esprit dans la nation allemande.

Trois mobiles principaux conduisent d’ordinaire les hommes au combat : l’amour de la patrie et de la liberté, l’amour de la gloire, et le fanatisme de la religion. Il n’y a point un grand amour pour la patrie dans un empire divisé depuis plusieurs siècles, où les Allemands combattoient contre les Allemands, presque toujours excités par une impulsion étrangère : l’amour de la gloire n’a pas beaucoup de vivacité là où il n’y a point