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DES PHILOSOPHES ALLEMANDS.

Schelling a bien plus de connoissance de la nature et des beaux-arts que Fichte, et son imagination, pleine de vie, ne sauroit se contenter des idées abstraites ; mais, de même que Fichte, il a pour but de réduire l’existence à un seul principe. Il traite avec un profond dédain tous les philosophes qui en admettent deux ; et il ne veut accorder le nom de philosophie qu’au système dans lequel tout s’enchaîne, et qui explique tout. Certainement il a raison d’affirmer que celui-là seroit le meilleur ; mais où est-il ? Schelling prétend que rien n’est plus absurde que cette expression communément reçue : la philosophie de Platon, la philosophie d’Aristote. Diroit-on, la géométrie d’Euler, la géométrie de La Grange ? Il n’y a qu’une philosophie, selon l’opinion de Schelling, ou il n’y en a point. Certes, si I on n’entendoit par philosophie que le mot de l’énigme de l’univers, on pourroit dire avec vérité qu’il n’y a point de philosophie.

Le système de Kant parut insuffisant à Schelling comme à Fichte, parce qu’il reconnoît deux natures, deux sources de nos idées, les objets extérieurs et les facultés de l’âme. Mais pour arriver à cette unité tant désirée, pour se débarrasser de cette double vie physique et morale,