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DE L’IGNORANCE, etc.

trouver en elles la source des conceptions hautes et des sentiments désintéressés ; à cette époque, préparée par les siècles, l’alliance de la philosophie et de la religion peut être intime et sincère. Les ignorants ne sont plus, comme jadis, des hommes ennemis du doute et décidés à repousser toutes les fausses lueurs qui troubleroient leurs espérances religieuses et leur dévouement chevaleresque ; les ignorants de nos jours sont incrédules, légers, superficiels ; ils savent tout ce que l’égoïsme a besoin de savoir, et leur ignorance ne porte que sur ces études sublimes qui font naître dans l’âme un sentiment d’admiration pour la nature et pour la divinité.

Les occupations guerrières remplissoient jadis la vie des nobles, et formoient leur esprit par l’action ; mais lorsque, de nos jours, les hommes de la première classe n’ont aucune fonction dans l’état et n’étudient profondément aucune science, toute l’activité de leur esprit, qui devroit être employée dans le cercle des affaires ou des travaux intellectuels, se dirige sur l’observation des manières et la connoissance des anecdotes.

Les jeunes gens, à peine sortis de l’école, se hâtent de prendre possession de l’oisiveté comme de la robe virile ; les hommes et les femmes s’é-