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DE L’IGNORANCE, etc.

La moquerie a cela de particulier, qu’elle nuit essentiellement à ce qui est bon, mais point à ce qui est fort. La puissance a quelque chose d’âpre et de triomphant qui tue le ridicule ; d’ailleurs les esprits frivoles respectent la prudence de la chair, selon l’expression d’un moraliste du seizième siècle ; et l’on est étonné de trouver toute la profondeur de l’intérêt personnel dans ces hommes qui sembloient incapables de suivre une idée ou un sentiment, quand il n’en pouvoit rien résulter d’avantageux pour leurs calculs de fortune ou de vanité.

La frivolité d’esprit ne porte point à négliger les affaires de ce monde. On trouve au contraire une bien plus noble insouciance à cet égard dans les caractères sérieux que dans les hommes d’une nature légère ; car la légèreté de ceux-ci ne consiste le plus souvent qu’à dédaigner les idées générales pour mieux s’occuper de ce qui ne concerne qu’eux-mêmes.

Il y a quelquefois de la méchanceté dans les gens d’esprit ; mais le génie est presque toujours plein de bonté. La méchanceté vient non pas de ce qu’on a trop d’esprit, mais de ce qu’on n’en a pas assez. Si l’on pouvoit parler sur les idées, on laisseroit en paix les personnes ; si l’on se