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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

Au premier rang des formes impératives de notre esprit sont l’espace et le temps. Kant démontre que toutes nos perceptions sont soumises à ces deux formes, il en conclut qu’elles sont en nous et non pas dans les objets, et qu’à cet égard, c’est notre entendement qui donne des lois à la nature extérieure au lieu d’en recevoir d’elle. La géométrie qui mesure l’espace et l’arithmétique qui divise le temps sont des sciences d’une évidence complète parce qu’elles reposent sur les notions nécessaires de notre esprit.

Les vérités acquises par l’expérience n’emportent jamais avec elles cette certitude absolue ; quand on dit le soleil se lève chaque jour, tous les hommes sont mortels, etc. l’imagination pourroit se figurer une exception à ces vérités que l’expérience seule fait considérer comme indubitables, mais l’imagination elle-même ne sauroit rien supposer hors de l’espace et du temps ; et l’on ne peut considérer comme un résultat de l’habitude, c’est-à-dire de la répétition constante des mêmes phénomènes, ces formes de notre pensée que nous imposons aux choses ; les sensations peuvent être douteuses, mais le prisme à travers lequel nous les recevons est immuable.