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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

d’un petit nombre de citoyens. Les nations grecque et romaine ont disparu du monde à cause de ce qu’il y avoit de barbare, c’est-à-dire, d’injuste dans leurs institutions. Les vastes contrées de l’Asie se sont perdues dans le despotisme ; et, depuis nombre de siècles, ce qu’il y reste de civilisation est stationnaire. Ainsi donc, la grande révolution historique, dont les résultats peuvent s’appliquer au sort actuel des nations modernes, date de l’invasion des peuples du Nord ; car le droit public de la plupart des états européens repose encore aujourd’hui sur le code de la conquête.

Néanmoins, le cercle des hommes auxquels il étoit permis de se considérer comme tels, s’est étendu sous le régime féodal. La condition des serfs étoit moins dure que celle des esclaves : il y avoit diverses manières d’en sortir et, depuis ce temps, différentes classes ont commencé par degrés à s’affranchir de la destinée des vaincus. C’est sur l’agrandissement graduel de ce cercle que la réflexion doit se porter.

Le gouvernement absolu d’un seul est le plus informe de toutes les combinaisons politiques. L’aristocratie vaut mieux : quelques-uns, au moins, y sont quelque chose, et la dignité