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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/93

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

Les jeunes gens et les étrangers qui n’ont pas connu la France avant la révolution, et qui voient aujourd’hui le peuple enrichi par la division des propriétés et la suppression des dîmes et du régime féodal, ne peuvent avoir l’idée de la situation de ce pays, lorsque la nation portoit le poids de tous les priviléges. Les partisans de l’esclavage, dans les colonies, ont souvent dit qu’un paysan de France étoit plus malheureux qu’un nègre. C’étoit un argument pour soulager les blancs, mais non pour s’endurcir contre les noirs. La misère accroît l’ignorance, l’ignorance accroît la misère ; et, quand on se demande pourquoi le peuple françois a été si cruel dans la révolution, on ne peut en trouver la cause que dans l’absence de bonheur, qui conduit à l’absence de moralité.

On a voulu vainement, pendant le cours de ces vingt-cinq années, exciter en Suisse et en Hollande des scènes semblables à celles qui se sont passées en France : le bon sens de ces peuples, formé depuis long-temps par la liberté, s’y est constamment opposé.

Une autre cause des malheurs de la révolution, c’est la prodigieuse influence de Paris sur la France Or, l’établissement des administra-