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CONSIDÉRATIONS

des ténèbres où elle étoit avant la révolution, et où elle est encore dans plusieurs états de l’Europe. Mais qu’importoient les institutions légales, puisque des tribunaux extraordinaires nommés par l’empereur, des cours spéciales, des commissions militaires jugeoient tous les délits politiques, c’est-à-dire, ceux qui ont le plus besoin de l’égide invariable de la loi ? Nous montrerons dans le volume suivant combien, dans ces procès politiques, les Anglois ont multiplié les précautions, afin de mettre la justice plus sûrement à l’abri du pouvoir. Quels exemples n’a-t-on pas vus, sous Bonaparte, de ces tribunaux extraordinaires qui devenoient habituels ! car, dès qu’on se permet un acte arbitraire, ce poison s’insinue dans toutes les affaires de l’état. Des exécutions rapides et ténébreuses n’ont-elles pas souillé le sol de la France ? Le Code militaire ne se mêle que trop, d’ordinaire, au Code civil, dans tous les pays, l’Angleterre exceptée ; mais il suffisoit sous Bonaparte d’être accusé d’embauchage, pour être traduit devant les commissions militaires ; et c’est ainsi que le duc d’Enghien a été jugé. Bonaparte n’a pas permis une seule fois qu’un homme pût avoir recours, pour un délit politique, à la décision du jury. Le général Mo-