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Page:De Staël – La Révolution française, Tome II.djvu/397

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CONSIDÉRATIONS

le fait par la menace. Tout étoit chez lui moyen ou but ; l’involontaire ne se trouvoit nulle part, ni dans le bien, ni dans le mal. On prétend qu’il a dit : J’ai tant de conscrits à dépenser par an. Ce propos est vraisemblable, car Bonaparte a souvent assez méprisé ses auditeurs pour se complaire dans un genre de sincérité qui n’est que de l’impudence.

Jamais il n’a cru aux sentimens exaltés, soit dans les individus, soit dans les nations ; il a pris l’expression de ces sentimens pour de l’hypocrisie. Il pensoit tenir la clef de la nature humaine par la crainte et par l’espérance, habilement présentées aux égoïstes et aux ambitieux. Il faut en convenir, sa persévérance et son activité ne se ralentissoient jamais, quand il s’agissoit des moindres intérêts du despotisme ; mais c’étoit le despotisme même qui devoit retomber sur sa tête. Une anecdote, dans laquelle j’ai eu quelque part, peut offrir une donnée de plus sur le système de Bonaparte, relativement à l’art de gouverner.

Le duc de Melzi, qui a été pendant quelque temps vice-président de la république Cisalpine, étoit un des hommes les plus distingués que cette Italie, si féconde en tout genre, ait produits. Né d’une mère espagnole et d’un père