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CORINNE OU L’ITALIE

des sujets qui me touchent sans éprouver cette sorte d’ébranlement qui est la source de la beauté idéale dans les arts, de la religion dans les ames solitaires, de la générosité dans les héros, du désintéressement parmi les hommes ; pardonnez-le-moi, milord, bien qu’une telle femme ne ressemble guères à celles que l’on approuve dans votre pays. — Qui pourrait vous ressembler, reprit lord Nelvil ? et peut-on faire des lois pour une personne unique ? —

Le comte d’Erfeuil était dans un véritable enchantement bien qu’il n’eût pas entendu tout ce que disait Corinne ; mais ses gestes, le son de sa voix, sa manière de prononcer le charmait, et c’était la première fois qu’une grâce, qui n’était pas française, avait agi sur lui. Mais, à la vérité, le grand succès de Corinne à Rome le mettait un peu sur la voie de ce qu’il devait penser d’elle, et il ne perdait pas en l’admirant la bonne habitude de se laisser guider par l’opinion des autres.

Il sortit avec lord Nelvil, et lui dit en s’en allant : — Convenez, mon cher Oswald, que j’ai pourtant quelque mérite en ne faisant pas ma cour à une aussi charmante personne. — Mais, répondit lord Nelvil, il me semble qu’on dit généralement qu’il n’est pas facile de lui