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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/101

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CORINNE OU L’ITALIE

plaire. — On le dit, reprit le comte d’Erfeuil, mais j’ai de la peine à le croire. Une femme seule, indépendante, et qui mène à peu près la vie d’un artiste, ne doit pas être difficile à captiver. — Lord Nelvil fut blessé de cette réflexion. Le comte d’Erfeuil, soit qu’il ne s’en aperçût pas, soit qu’il voulût suivre le cours de ses propres idées, continua ainsi :

— Ce n’est pas cependant, dit-il, que, si je voulais croire à la vertu d’une femme, je ne crusse aussi volontiers à celle de Corinne qu’à toute autre. Elle a certainement mille fois plus d’expression dans le regard, de vivacité dans les démonstrations, qu’il n’en faudrait chez vous et même chez nous pour faire douter de la sévérité d’une femme ; mais c’est une personne d’un esprit si supérieur, d’une instruction si profonde, d’un tact si fin, que les règles ordinaires pour juger les femmes ne peuvent s’appliquer à elle. Enfin, croiriez-vous que je la trouve imposante, malgré son naturel et le laisser-aller de sa conversation. J’ai voulu hier, tout en respectant son intérêt pour vous, dire quelques mots au hasard pour mon compte ; c’était de ces mots qui deviennent ce qu’ils peuvent ; si on les écoute, à la bonne heure ; si on ne les écoute pas, à la bonne heure encore ; et