Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
CORINNE OU L’ITALIE

la main de Corinne avec émotion, prenez garde à ce bien que vous voulez me faire. Depuis près de deux ans une main de fer serre mon cœur ; si votre douce présence m’a donné quelque relâche, si je respire près de vous, que deviendrai-je quand il faudra rentrer dans mon sort ; que deviendrai-je ?… — Laissons au temps, laissons au hasard, interrompit Corinne, à décider si cette impression d’un jour que j’ai produite sur vous durera plus qu’un jour. Si nos ames s’entendent, notre affection mutuelle ne sera point passagère. Quoi qu’il en soit, allons admirer ensemble tout ce qui peut élever notre esprit et nos sentimens ; nous goûterons toujours ainsi quelques momens de bonheur. — En achevant ces mots, Corinne descendit, et lord Nelvil la suivit, étonné de sa réponse. Il lui sembla qu’elle admettait la possibilité d’un demi-sentiment, d’un attrait momentané. Enfin, il crut entrevoir de la légèreté dans la manière dont elle s’était exprimée, et il en fut blessé.

Il se plaça sans rien dire dans la voiture de Corinne, qui, devinant sa pensée, lui dit : — Je ne crois pas que le cœur soit ainsi fait, que l’on éprouve toujours ou point d’amour, ou la passion la plus invincible. Il y a des commen-