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CORINNE OU L’ITALIE.

position actuelle de mon ame ; et il prononça ces mots avec un accent si douloureux, que Corinne se tut quelques momens, n’osant pas essayer de lui parler. Mais reprenant courage par le désir de soulager Oswald de ses peines, en l’intéressant vivement a tout ce qu’ils voyaient ensemble, elle lui dit : — Vous le savez, mylord, loin que chez les anciens l’aspect des tombeaux décourageât les vivans, on croyait inspirer une émulation nouvelle en plaçant ces tombeaux sur les routes publiques, afin que retraçant aux jeunes gens le souvenir des hommes illustres, ils invitassent silencieusement à les imiter. — Ah ! que j’envie, dit Oswald en soupirant, tous ceux dont les regrets ne sont pas mêlés à des remords ! — Vous, des remords, s’écria Corinne, vous ! Ah ! je suis certaine qu’ils ne sont en vous qu’une vertu de plis, un scrupule du cœur, une délicatesse exaltée. — Corinne, Corinne, n’approchez pas de ce sujet, interrompit Oswald : dans votre heureuse contrée les sombres pensées disparaissent à la clarté des cieux ; mais la douleur qui a creusé jusqu’au fond de notre ame ébranle à jamais toute notre existence : — Vous me jugez mal, répondit Corinne ; je vous l’ai déjà dit, bien que mon caractère soit fait pour jouir vivement du bonheur,