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CORINNE OU L’ITALIE

je souffrirais plus que vous, si… Elle n’acheva pas, et changea de discours. — Mon seul désir, mylord, continua-t-elle, c’est de vous distraire un moment ; je n’espère rien de plus. — La douceur de cette réponse toucha lord Nelvil ; et voyant une expression de mélancolie dans les regards de Corinne naturellement si pleins d’intérêt et de flamme, il se reprocha d’attrister une personne née pour les impressions vives et douces, et s’efforça de l’y ramener. Mais l’inquiétude qu’éprouvait Corinne sur les projets d’Oswald, sur la possibilité de son départ, troublait entièrement sa sérénité accoutumée.

Elle conduisit lord Nelvil hors des portes de la ville, sur les anciennes traces de la voie Appienne. Ces traces sont marquées, au milieu de la campagne de Rome, par des tombeaux à droite et à gauche dont les ruines se voient à perte de vue à plusieurs milles en-delà des murs. Les Romains ne souffraient pas qu’on ensevelît les morts dans l’intérieur de la ville ; les tombeaux seuls des empereurs y étaient admis. Cependant un simple citoyen, nommé Publius Bibulus, obtint cette faveur, en récompense de ses vertus obscures. Les contemporains, en effet, honorent plus volontiers celles-là que toutes les autres.