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CORINNE OU L’ITALIE

entier ; ce n’est point le tombeau d’un Romain célèbre, c’est celui de Cécilia Métella, jeune fille à qui son père a fait élever ce monument. — Heureux, dit Oswald, heureux les enfans qui meurent dans les bras de leur père, et reçoivent la mort dans le sein qui leur donna la vie, la mort elle-même alors perd son aiguillon pour eux. — Oui, dit Corinne avec émotion, heureux ceux qui ne sont pas orphelins. Voyez, on a sculpté des armes sur ce tombeau, bien que ce soit celui d’une femme ; mais les filles des héros peuvent avoir sur leurs tombes les trophées de leur père : c’est une belle union que celle de l’innocence et de la valeur. Il y a une élégie de Properce qui peint mieux qu’aucun autre écrit de l’antiquité, cette dignité des femmes chez les Romains, plus imposante et plus pure que l’éclat même dont elles jouissaient pendant le temps de la chevalerie. Cornélie, morte dans sa jeunesse, adresse à son époux les adieux et les consolations les plus touchantes, et l’on y sent presqu’à chaque mot tout ce qu’il y a de respectable et de sacré dans les liens de famille. Le noble orgueil d’une vie sans tache se peint dans cette poésie majestueuse des Latins, dans cette poésie noble et sévère comme les maîtres du monde. Oui, dit Cornélie, aucune tache