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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/209

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CORINNE OU L’ITALIE

brillans dont les couleurs sont vives et voluptueuses. Mais où trouverez-vous ce sentiment mélancolique et tendre qui anime notre poésie ? Que pourriez-vous comparer à la scène de Belvidera et de son époux, dans Otway ; à Romeo, dans Shakespeare ; enfin surtout aux admirables vers de Thomson, dans son chant du printemps, lorsqu’il peint avec des traits si nobles et si touchans le bonheur de l’amour dans le mariage. Y a-t-il un tel mariage en Italie ? Et là où il n’y a pas de bonheur domestique, peut-il exister de l’amour ? N’est-ce pas ce bonheur qui est le but de la passion du cœur, comme la possession est celui de la passion des sens ? Toutes les femmes jeunes et belles ne se ressemblent-elles pas, si les qualités de l’ame et de l’esprit ne fixent pas la préférence ? et ces qualités, que font-elles désirer ? le mariage, c’est-à-dire l’association de tous les sentimens et de toutes les pensées. L’amour illégitime, quand malheureusement il existe chez nous, est encore, si j’ose m’exprimer ainsi, un reflet du mariage. On y cherche ce bonheur intime qu’on n’a pu goûter chez soi, et l’infidélité même est plus morale en Angleterre, que le mariage en Italie. —

Ces paroles étaient dures, elles blessèrent