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CORINNE OU L’ITALIE

hommes montrent souvent peu d’esprit militaire ? Ils exposent leur vie pour l’amour et la haine avec une grande facilité ; et les coups de poignard donnés et reçus pour cette cause n’étonnent ni n’intimident personne ; ils ne craignent point la mort, quand les passions naturelles commandent de la braver ; mais souvent, il faut l’avouer, ils aiment mieux la vie que des intérêts politiques, qui ne les touchent guère, parce qu’ils n’ont point de patrie. Souvent aussi l’honneur chevaleresque a peu d’empire au milieu d’une nation où l’opinion et la société qui la forme n’existent pas ; il est assez simple que, dans une telle désorganisation de tous les pouvoirs publics, les femmes prennent beaucoup d’ascendant sur les hommes, et peut-être en ont-elles trop pour les respecter et les admirer. Néanmoins leur conduite envers elles est pleine de délicatesse et de dévouement. Les vertus domestiques font en Angleterre la gloire et le bonheur des femmes ; mais s’il y a des pays où l’amour subsiste hors des liens sacrés du mariage, parmi ces pays, celui de tous où le bonheur des femmes est le plus ménagé, c’est l’Italie. Les hommes s’y sont fait une morale pour des rapports hors de la morale, mais du moins ont-ils été justes et généreux dans le partage des