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CORINNE OU L’ITALIE

Il ne pouvait se lasser d’admirer la grâce de ses gestes, la dignité de ses mouvemens, une physionomie qui peignait ce que la parole ne pouvait dire, et découvrait ces mystères du cœur qu’on n’a jamais exprimés, et qui pourtant disposent de la vie. L’accent, le regard, les moindres signes d’un acteur vraiment ému, vraiment inspiré, sont une révélation continuelle du cœur humain ; et l’idéal des beaux-arts se mêle toujours à ces révélations de la nature. L’harmonie des vers, le charme des attitudes prêtent à la passion ce qui lui manque souvent dans la réalité, la grâce et la dignité. Ainsi tous les sentimens du cœur et tous les mouvemens de l’ame passent à travers l’imagination sans rien perdre de leur vérité.

Au second acte, Juliette paraît sur le balcon de son jardin pour s’entretenir avec Roméo. De toute la parure de Corinne, il ne lui restait plus que les fleurs, et bientôt après aussi les fleurs devaient disparaître ; le théâtre à demi éclairé, pour représenter la nuit, répandait sur le visage de Corinne une lumière plus douce et plus touchante. Le son de sa voix était encore plus harmonieux que dans l’éclat d’une fête. Sa main levée vers les étoiles semblait invoquer les seuls témoins dignes de l’entendre, et quand elle ré-