Aller au contenu

Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
CORINNE OU L’ITALIE

tant d’orgueil de son choix, lorsqu’elle disait : — Noble Roméo ! Beau Montague ! — qu’Oswald se sentit aussi fier qu’il était heureux. Il releva sa tête que l’attendrissement avait fait pencher, et se crut le roi du monde, puisqu’il régnait sur un cœur qui renfermait tous les trésors de la vie.

Corinne, en apercevant l’effet qu’elle produisait sur Oswald, s’anima toujours plus par cette émotion du cœur qui seule produit des miracles ; et quand à l’approche du jour Juliette croit entendre le chant de l’alouette, signal du départ de Roméo, les accens de Corinne avaient un charme surnaturel ; ils peignaient l’amour, et cependant on y sentait un mystère religieux, quelques souvenirs du ciel, un présage de retour vers lui, une douleur toute céleste, telle que celle d’une ame exilée sur la terre, et que sa divine patrie va bientôt rappeler. Ah ! qu’elle était heureuse Corinne, le jour où elle représentait ainsi devant l’ami de son choix un noble rôle dans une belle tragédie ; que d’années, combien de vies seraient ternes auprès d’un tel jour !

Si lord Nelvil avait pu jouer avec Corinne le rôle de Roméo, le plaisir qu’elle goûtait n’eût pas été si complet. Elle aurait désiré d’écarter