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CORINNE OU L’ITALIE

seules du monde où le peuple parle si bien, que l’amusement de l’esprit peut se rencontrer à tous les coins des rues.

Le genre de gaieté qui brille dans les auteurs des arlequinades et de l’opéra-bouffe se trouve très-communément même parmi les hommes sans éducation. Dans ces jours de carnaval, où l’exagération et la caricature sont admises, il se passe entre les masques les scènes les plus comiques.

Souvent une gravité grotesque contraste avec la vivacité des Italiens, et l’on dirait que leurs vêtemens bizarres leur inspirent une dignité qui ne leur est pas naturelle. D’autres fois ils font voir une connaissance si singulière de la mythologie, dans les déguisemens qu’ils arrangent, qu’on croirait les anciennes fables encore populaires à Rome. Plus souvent ils se moquent des divers états de la société, avec une plaisanterie pleine de force et d’originalité. La nation paraît mille fois plus distinguée dans ses jeux que dans son histoire. La langue italienne se prête à toutes les nuances de la gaieté, avec une facilité qui ne demande qu’une légère inflexion de voix, une terminaison un peu différente pour accroître ou diminuer, ennoblir ou travestir le sens des paroles. Elle a surtout de