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CORINNE OU L’ITALIE

la grâce dans la bouche des enfans. L’innocence de cet âge et la malice naturelle de la langue font un contraste très-piquant[1]. Enfin, on pourrait dire que c’est une langue qui va d’elle-même, exprime sans qu’on s’en mêle, et paraît presque toujours avoir plus d’esprit que celui qui la parle.

Il n’y a ni luxe, ni bon goût dans la fête du carnaval, une sorte de pétulance universelle la fait ressembler aux bacchanales de l’imagination, mais de l’imagination seulement : car les Romains sont en général très sobres et même assez sérieux, les derniers jours du carnaval excepté. On fait en tout genre des découvertes subites dans le caractère des Italiens ; et c’est ce qui contribue à leur donner la réputation d’hommes rusés. Il y a sans doute une grande habitude de feindre dans ce pays, qui a supporté tant de jougs différens ; mais ce n’est pas à la dissimulation qu’il faut toujours attribuer le passage rapide d’une manière d’être à l’autre. Une imagination inflammable en est souvent la cause. Les peuples qui ne sont que raisonnables ou spirituels peuvent aisément s’expliquer et se prévoir ; mais tout ce qui tient à l’imagination est inattendu. Elle saute les intermédiaires ; un rien peut la blesser, et quelquefois elle est

  1. Je demandais à une petite fille toscane laquelle était la plus jolie d’elle ou de sa sœur ? Ah ! Me répondit-elle, il più bel viso è il mio, le plus beau visage est le mien.