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CORINNE OU L’ITALIE

indifférente à ce qui devrait le plus l’émouvoir. Enfin, c’est en elle-même que tout se passe, et l’on ne peut calculer ses impressions d’après ce qui les cause.

On ne comprend pas du tout, par exemple, d’où vient l’amusement que les grands seigneurs romains trouvent à se promener en voiture, d’un bout du corso à l’autre, des heures entières, soit pendant les jours du carnaval, soit les autres jours de l’année. Rien ne les dérange de cette habitude. Il y a aussi parmi les masques des hommes qui se promènent le plus ennuyeusement du monde dans le costume le plus ridicule, et qui, tristes arlequins et taciturnes polichinelles, ne disent pas une parole pendant toute la soirée, mais ont, pour ainsi dire, leur conscience de carnaval satisfaite quand ils n’ont rien négligé pour se divertir.

On trouve à Rome un genre de masques qui n’existe point ailleurs. Ce sont des masques pris d’après les figures des statues antiques, et qui de loin imitent une parfaite beauté : souvent les femmes perdent beaucoup en les quittant. Mais cependant cette immobile imitation de la vie, ces visages de cire ambulans, quelque jolis qu’ils soient, font une sorte de peur. Les grands seigneurs montrent un assez grand luxe de