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CORINNE OU L’ITALIE

L’Italie, aux jours de sa puissance, revit tout entière dans Le Dante. Animé par l’esprit des républiques, guerrier aussi-bien que poëte, il souffle la flamme des actions parmi les morts, et ses ombres ont une vie plus forte que les vivans d’ici-bas.

Les souvenirs de la terre les poursuivent encore ; leurs passions sans but s’acharnent à leur cœur ; elles s’agitent sur le passé, qui leur semble encore moins irrévocable que leur éternel avenir.

On dirait que Le Dante, banni de son pays, a transporté dans les régions imaginaires les peines qui le dévoraient. Ses ombres demandent sans cesse des nouvelles de l’existence, comme le poëte lui-même s’informe de sa patrie, et l’enfer s’offre à lui sous les couleurs de l’exil.

Tout à ses yeux se revêt du costume de Florence. Les morts antiques qu’il évoque semblent renaître aussi Toscans que lui ; ce ne sont point les bornes de son esprit, c’est la force de son ame qui fait entrer l’univers dans le cercle de sa pensée.

Un enchaînement mystique de cercles et de sphères le conduit de l’enfer au purgatoire,