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CORINNE OU L’ITALIE

fin Oswald qui jusqu’alors avait gardé le silence sans avoir un moment cessé de regarder Corinne, à laquelle de vos poésies donnez-vous la préférence ? Est-ce à celles qui sont l’ouvrage de la réflexion ou de l’inspiration instantanée ? — Milord, répondit Corinne, avec un regard qui exprimait et beaucoup d’intérêt et le sentiment plus délicat encore d’une considération respectueuse, ce serait vous que j’en ferais juge ; mais si vous me demandez d’examiner moi-même ce que je pense à cet égard, je dirai que l’improvisation est pour moi comme une conversation animée. Je ne me laisse point astreindre à tel ou tel sujet, je m’abandonne à l’impression que produit sur moi l’intérêt de ceux qui m’écoutent, et c’est à mes amis que je dois surtout en ce genre la plus grande partie de mon talent. Quelquefois l’intérêt passionné que m’inspire un entretien où l’on a parlé des grandes et nobles questions qui concernent l’existence morale de l’homme, sa destinée, son but, ses devoirs, ses affections ; quelquefois cet intérêt m’élève au-dessus de mes forces, me fait découvrir dans la nature, dans mon propre cœur, des vérités audacieuses, des expressions pleines de vie que la réflexion solitaire n’aurait pas fait naître. Je crois éprou-